Charles Nègre, peintre-photographe

Mes recherches artistiques récentes m’ont conduit à m’intéresser à la rencontre entre la peinture et la photographie au IXème siècle.

Aussi, je souhaite vous faire part du résultat  de mes recherches sur des plaques de verre au collodion de Charles Nègre (un photographe de ma région que j’admire et affectionne particulièrement), conservées aux Archives Départementales des Alpes-Maritimes.


QUELQUES ELEMENTS BIOGRAPHIQUES


Charles Nègre est né le 9 mai 1820 à Grasse où ses parents tenaient une confiserie renommée.

Plus intéressé par l’Art que par la confiserie, il part pour Paris en 1840, avec le soutien de son père et intègre l’école des Beaux-Arts dans l’atelier prestigieux de Paul Delaroche, peintre d’histoire qui incite ses élèves à utiliser la photographie.

Ce procédé vient tout juste d’être divulgué lors d’une séance mémorable à l’Académie des sciences par François Arago le19 août 1839. Et Paul Delaroche qui faisait partie de l’académie des Beaux-Arts avait apporté sa caution enthousiaste à ce qu’il considérait comme « un immense service rendu aux Beaux-Arts ».

Cette période de formation sera déterminante pour la suite. Outre une excellente formation de peintre, il développera son intérêt pour la photographie. Il déclarera plus tard « assistant à une des séances de l’Académie où furent présentées des images daguerriennes, je fus frappé d’étonnement à la vue de ces merveilles et, entrevoyant l’avenir réservé à cet art nouveau ; je pris la résolution d’y consacrer mon temps et mes forces ».

Il est à noter aussi qu’une grande partie des « primitifs » de la photographie sortiront de l’atelier de Paul Delaroche (Gustave Le Gray, Henri Le Secq ..).

Il termine ses études en 1848 dans l’atelier de Jean-Dominique Ingres.

Il participe à de nombreux salons de peinture avec récompenses et ventes d’œuvres dont beaucoup sont conservées à Grasse.

Le passage de la peinture à la photographie se situe au début des années 1850 quand il s’installe dans un atelier Quai Bourbon à Paris avec comme voisins ses amis Lesecq et Legray.

Comme les autres peintres, il utilise des daguerréotypes pour aider à la réalisation de ses tableaux. Il en réalise lui-même assez peu.

Dans les années 1850, il utilise le calotype, négatif papier inventé par William Henry Fox Talbot en 1840, qui permettait de réaliser des tirages multiples contrairement au daguerréotype. Ce procédé sera amélioré notamment par Le Gray lorsque les brevets seront tombés dans le domaine public avec la production de négatifs cirés secs.

En 1851, Charles Nègre ne fut pas « missionné » par le service des monuments historiques dirigé par Prosper Mérimée pour l’inventaire photographique des richesses patrimoniales françaises.

En 1852, Charles Nègre rejoint la Provence, à ses frais et réalise plus un « voyage pittoresque » photographique qu’un inventaire.
Dans ces années 1850, conscient des problèmes posés par le tirage argentique en matière de conservation et de rendu aléatoire, il utilise l’héliogravure et améliore ce procédé initié par Niepce. Il écrira : « Dès l’année 1854, convaincu que la photographie ne devait être considérée que comme le moyen transitoire pour arriver à la gravure héliographique, je m’attachai à résoudre ce problème ».

En 1863, il quitte définitivement Paris pour s’installer à Nice où il obtient un poste de professeur de dessin au lycée Impérial (actuel lycée Masséna). Dans les années 1860, Charles Nègre n’utilise plus que le procédé au collodion et notamment pour les vues de Nice et l’héliogravure qu’il pratiquera jusque dans les années 1870 pour une importante commande du duc de Luynes.

Il meurt dans l’anonymat à Grasse le 16 janvier 1880.
Il repose au cimetière Sainte Brigitte de Grasse.


LES NEGATIFS SUR VERRE A NICE


C’est donc en 1863 qu’il s’installe à Nice au 3 rue Chauvin où il cumule son activité de professeur de dessin au Lycée avec celle de photographe.

Les plaques de verres et les tirages conservés aux  archives ont été produites dans ces années 1860 après l’annexion du Comté de Nice à la France. A cette époque, Nice attirait une riche clientèle de touristes « hivernants » friands de photographies. C’est ainsi que de nombreux photographes se sont installés dans la région;

Outre l’installation de Charles Nègre à Nice, la datation se justifie par les thèmes abordés:
▪ des vues de Nice et des Alpes-Maritimes,
▪ des cérémonies dans le lycée.
▪ la première assemblée du Conseil Général des Alpes-Maritimes (département français tout nouvellement créé)…

Les techniques employées : négatifs sur verre au collodion et tirages sur papier albuminé sont les plus courantes dans cette période de l’histoire de la photographie.


OBSERVONS CES COLLODIONS


Toutes ces plaques de verre au collodion présentent, malheureusement, à des degrés divers les altérations et les dégradations propres à cette technique.
L’image proprement dite se conserve assez bien, elle est très fine, environ 1 micron dans une couche de collodion ne dépassant pas 3 microns. De plus, elle était systématiquement vernie.

Par contre, le verre le plus souvent de 2 millimètres d’épaisseur est un support fragile. Le verre lui-même peut se dégrader dans le temps provoquant un décollement du collodion et une saponification du vernis protecteur. Ainsi on observe sur les plaques de verres des manques dans la couche de collodion sous forme de réseaux de craquelures, de piqures, de décollement. On remarque aussi des rayures dues à de trop nombreuses manipulations. Les traces de doigts et les manques dans les angles sont plutôt liés à la préparation des plaques.


SPECIFICITE ET INTERET DE CES PLAQUES


Des fonds Charles Nègre sont conservés dans différentes institutions ;

  • le Musée d’Art et d’Histoire de Provence à Grasse,
  • le musée de la photographie Charles Nègre à Nice,
  • la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine possède 5 vues d’architecture des années 1850.
  • la BNF
  • Le musée d’Orsay.
  • A Chalon-sur-Saône, le musée Niepce*
  • Le Musée des Beaux-arts du Canada
  • Le Metropolitan Museum of Art à New York

En ce qui concerne les Alpes-Maritimes : le musée d’art et d’histoire de Provence de la ville de Grasse possède 38 tirages sur papier albuminé et sur papier salé des années 1850 et 1860, des héliogravures,et le célèbre calotype : « citronnier » de 1852.

La ville de Grasse conserve aussi une importante collection de peintures de Charles Nègre : dans les musées, notamment La puissance de l’homme avec des dessins préparatoires et des reproductions photographiques, dans la cathédrale on peut admirer La mort de Saint-Paul.

La puissance de l’homme – Le Suffrage universel – (Musée d’art et d’histoire de Provence – Grasse)

 

 

 

 

 

 

 

A Nice, le Musée de la Photographie Charles Nègre possède une quarantaine de tirages sur papier albuminé dont un autoportrait. De nombreuses vues de Nice sont des tirages d’après des négatifs sur verre qui nous intéressent conservés aux archives.

Collection musée de la photographie. Nice.

Archives départementales  

De nombreux Charles Nègre font partie de collections privées (Didier Gayraud à Nice).

La présence des 80 plaques de verre caractérise la spécificité du fond conservé aux archives. Toutes produites dans la même période de la carrière de Charles Nègre, elles ont une unité de lieu : les Alpes-Maritimes.

Ces plaques ne correspondent pas aux photographies les plus cotées de Charles Nègre prises dans les années 1850 (le  citronnier de Grasse est considéré comme « trésor national », le  Stryge  du musée d’Orsay a été acquis pour 313 750 euros. De plus, elles ne sont pas en très bon état et 10 d’entre-elles  sont de simples reproductions de tirages.

Ceci dit, elles sont intéressantes voire exceptionnelles à plus d’un titre. N’oublions pas que le véritable « original » d’une photographie est le négatif, les tirages ne sont que des multiples.
Les tirages papiers même « vintage » sont rarement de la main du photographe.

Pour les premiers photographes, dont Charles Nègre est un brillant représentant, la prise de vue n’allait pas sans le laboratoire. La photographie n’étant pas encore industrialisée, il fallait tout préparer soi-même. Ces plaques peuvent être riches d’enseignements sur les pratiques et les savoirs disparus de cette période.

Les négatifs sur verres des archives sont au collodion. Le procédé au collodion a été mis au point par Frederick Scott Archer en 1851 et a perduré jusqu’en 1880. Le collodion donnait une image plus nette que le négatif papier (calotype) justement en raison de l’absence des fibres du papier. Le « seul » inconvénient du collodion humide était que le photographe ne disposait que d’une quinzaine de minutes pour préparer la plaque, faire la prise de vue et la développer ce qui obligeait l’opérateur à transporter son laboratoire !

Des photographes, dont Gustave Le Gray mettront au point le collodion sec qui permettait de préparer les plaques à l’avance et de les développer plus tard, l’inconvénient étant la nette perte de sensibilité de celles-ci imposant des temps de pose plus longs. Rappelons que Charles Nègre et Gustave Le Gray étaient amis et voisins à Paris, ils ont donc employé des techniques similaires : prises de vue sur négatifs papier ciré secs puis sur plaques de verre au collodion et tirages sur papier salé puis sur papier albuminé. Charles Nègre pratiquera et perfectionnera l’héliogravure pour pouvoir diffuser ses images sous forme d’albums.

Nous sommes donc en présence d’originaux de la main de l’artiste, de la préparation de la plaque jusqu’à son développement.


OBSERVONS CES « OBJETS PHOTOGRAPHIQUES »


Il faut faire abstraction des altérations décrites précédemment dues au temps. Les lacunes dans les coins, les irrégularités sur les bords et même les empreintes digitales de l’opérateur sont quasi obligatoires avec ce procédé. Le coulage du collodion sur la plaque nécessite un tour de main particulier et de cette étape proviennent les principaux insuccès.
Les bords des plaques sont irréguliers, les photographes coupaient eux-mêmes leurs plaques et les émoussaient sur les bords pour ne pas se blesser.

La couleur caractéristique des plaques va du jaune-vert au brun rougeâtre. Ces différences de teintes sont dues à des collodions secs ou humides plus ou moins vieux et des formules de révélateurs différentes. Là il s’agit plutôt de collodion sec, Charles Nègre devait préparer ses plaques en atelier puis aller sur le motif et enfin retourner au laboratoire. Mais contrepartie de ce procédé, les temps de pose sont beaucoup plus longs et la poussière se colle sur les plaques . C’est ce que l’on observe : les personnages bougent et les poussières provoquent une multitude d’artefacts.

Nous savons que les photographes du 19ème n’hésitaient pas à retoucher leurs négatifs mais il semble que Charles Nègre soit allé très loin dans cette voie et d’une façon toute personnelle. En observant par réflexion les plaques, on remarque une multitude d’interventions de l’artiste au crayon ou avec un pigment noir estompé.

Une vue du port de Nice – Vue par transmission

Le verso de la même plaque vue par réflexion

Sur ce tirage numérique on comprend l’intérêt de ce travail de retouche à même le négatif. Le pigment noir faisant office de masquage on obtient du blanc sur le tirage ce qui nous donne un ciel animé de nuages, de la fumée sortant des cheminées des bateaux, des reflets dans l’eau du port.

Il ne s’agit pas d’un trucage pour transformer la réalité mais au contraire pour restituer la vision de l’artiste.
● Le rendu du ciel posait de gros problèmes, en général il était uniforme et couvert de poussières.
● L’eau apparaissait comme un miroir sans matière en raison de la longueur du temps de pose.
● Les personnages eux-mêmes sont souvent retouchés voire redessinés car même en posant pour le photographe, il était difficile de ne pas bouger pendant une minute ou deux.

On remarque  que les roues de la charrette sensée être poussée par un personnage sont soigneusement calées par des pierres. Le personnage est lui-même « reprécisé » avec quelques coups de crayon.Détail.

Charles Nègre n’hésite pas à gratter ses plaques pour obtenir des détails nets et sombres. Par exemple, sur le négatif, les palmiers balancés par le vent ainsi que toute la ferronnerie entièrement redessinés par grattage de l’émulsion sans doute avec une plume. Là encore on voit que sur le tirage rien n’a été truqué mais l’aspect graphique du premier plan apporte une magnifique profondeur au paysage. Détail

Tirage numérique.

Rappelons que Charles Nègre était professeur de dessin à cette époque.

Il n’était pas tabou comme au siècle suivant de maltraiter le négatif. Pour sa vue du cloître de Sainte-Trophîme, Edouard Baldus utilise plusieurs négatifs papiers découpés, des peintres comme Eugène Delacroix ou Camille Corot grattaient des plaques de verre au collodion pour réaliser leurs clichés verres.

Le rendu du ciel posait beaucoup de problèmes. La sensibilité du collodion aux radiations bleues, la longueur de la pose, la plaque de verre non exempte de poussières donnaient des ciels plats, sales et surexposés. Charles Nègre utilise deux techniques, soit il masque complètement le ciel en noir opaque (papier et pigment noir) pour avoir un ciel blanc sur le tirage, soit il le retouche au crayon pour l’animer avec de petits nuages blancs. La clientèle des hivernants n’aurait pas supporté un ciel tourmenté et menaçant.

Verso vue de Nice par réflexion

Charles Nègre retravaille ses ciels aussi en héliogravure notamment pour la commande du Duc de Luynes, d’après des photographies de  Louis Vignes exécutée dans ces mêmes années niçoises, avec un « rendu » proche des tirages photographiques.

Reste le problème du peu de sensibilité des plaques photographiques avant 1880 c’est-à-dire avant la généralisation du procédé au gélatino-bromure d’argent. Les temps de pose excessifs transformaient les personnages en fantômes. Tous les personnages visibles sur les plaques posent mais bougent quand même occasionnant des flous de bougé plus ou moins prononcés.
Charles Nègre met en scène ses personnages avec l’aide d’un assistant et lorsqu’un flou de bougé s’avère trop important, il n’hésite pas à redessiner le personnage !

Détail des Ponchettes à Nice.

Pour ses photographies parisiennes Charles Nègre utilisait une optique spéciale pour réduire le temps de pose à quelques secondes pour fixer le mouvement tout en le suggérant comme dans les ramoneurs en marche (Musée des beaux-arts du Canada).

Pour les plaques niçoises, on pense plutôt à des temps de pose proches de la minute, surtout s’il s’agit de collodion sec. Les Négatifs 9X12 sont produits avec un appareil plus maniable, en photographie analogique l’encombrement et le poids de l’appareil sont fonction du format, on le sent dans l’aspect plus « reportage » des photographies avec des points de vue plus « à hauteur d’homme ».

Tirage numérique de la plage de Nice.

Ceci nous amène tout naturellement à l’artiste Charles Nègre. A-t-il été un «peintre mineur», «un primitif de la photographie» comme on parle de «primitif niçois » pour qualifier le peintre Louis Bréa ou comme le dit Didier Gayraud, dans son ouvrage sur les Photographes de la Riviera,  un « archétype de l’artiste maudit ».

En peinture, il n’a pas eu les audaces de certains de ses contemporains. Rappelons que le seul plan de carrière pour la plupart des jeunes artistes était de devenir peintres d’histoire et d’être exposés dans les salons parisiens voire médaillés et achetés.


CHARLES NEGRE, « PEINTRE-PHOTOGRAPHE »


Certainement doué naturellement, il reçut une solide formation dans les ateliers de Paul Delaroche et de Jean-Auguste Dominique Ingres. Cette formation a influencé et peut-être bridé sa peinture. Mais, ce jugement peut être nuancé voire reconsidéré au vu des tableaux exposés et vendus dans la Galerie De Bayser à Paris en 2014., où l’on devine une grande liberté sur le motif représenté et sur la technique picturale. Aujourd’hui, il est reconnu comme un photographe important, un pionnier, un précurseur tant sur le plan technique que sur le plan artistique.

Les relations pourtant complexes entre peinture et photographie à cette époque semblent ne lui avoir causé aucun problème. Il utilise sans état d’âme les techniques picturales, photographiques et photomécaniques. Au début, il utilise certainement des daguerréotypes comme ses collègues d’atelier, plus tard il photographie ses propres tableaux, il retouche abondamment ses négatifs, il s’inspire de ses photographies pour ses tableaux (les moulins de Grasse).

 

Les moulins à Grasse. 1852.(tirage sur papier salé) MET. New York et ces mêmes moulins à huiles à Grasse peints dans les années 1860 – Musée de Grasse.

Même si on peut penser raisonnablement que l’intention première de Charles Nègre était de créer un catalogue de sujets pouvant servir de modèles pour ses futurs tableaux, on comprend à la vue de ses photographies sur le quai Bourbon qu’il a très vite considéré que la photographie n’était pas condamnée à être « une humble servante » de la peinture mais simplement un art nouveau. La peinture et la photographie ont une partie de leur langage en commun comme le choix du motif et la composition. Charles Nègre découvre les spécificités de la photographie comme le cadrage, la lumière, le grain, la profondeur de champ, la monochromie, la puissance poétique… Il est un des premiers à s’intéresser à la captation du mouvement avec les ramoneurs en marche, il est considéré comme un précurseur de la « photographie sociale », du reportage avec l’asile de Vincennes, et de la diffusion de l’image photographique.

Dans ce dernier domaine l’apport de Charles Nègre est considérable et prémonitoire, ses recherches sur la gravure héliographique devaient permettre une large diffusion de la photographie sous forme d’albums. Il proposa à Napoléon III la publication d’un ouvrage dans lequel : « l’histoire de l’humanité (serait) « racontée aux yeux » sous une forme nouvelle ». Alors que les photographies de la Mission héliographique étaient destinées à un usage interne aux Monuments Historiques, le Midi de la France de Charles Nègre devait être publié. Ses images n’ont rien d’un inventaire mais se rapprochent plutôt d’un sketching tour photographique fait par un artiste.

Revenons à nos négatifs sur verre pour les situer dans leur contexte. En 1863, Charles Nègre devient professeur de dessin au Lycée et son activité de photographe passe au second plan. D’une santé fragile, il est certainement fatigué mais surtout déçu de ne pas avoir eu la reconnaissance, les commandes, les succès commerciaux en rapport avec sa formation, son travail et son talent.

A Nice, la concurrence est rude entre les photographes, les points de vue sont codifiés et les trépieds supportant les chambres photographiques sont souvent positionnés aux mêmes endroits.
Les photographies niçoises de Charles Nègre se distinguent par l’important travail de retouche à même le négatif notamment pour animer les ciels, le pittoresque avec les personnages (pêcheurs, lavandières, soldats…) et par une composition très élaborée.

Tirage numérique – Le cap de Nice.

Par exemple, pour cette vue de la Réserve avec le château de l’Anglais, point de vue maintes fois traité par la concurrence, Charles Nègre réalise un chef d’œuvre. La perspective aérienne est créée par l’étagement des plans des rochers noirs jusqu’aux nuages blancs. Le point de vue surélevé nous donne à voir la surface de la mer vaporeuse rehaussée de légers reflets, chaque rocher semble à sa place, le château de l’Anglais est solidement calé sur la ligne médiane, trois personnages ponctuent de manière très régulière le chao des rochers de l’arrière plan et tout naturellement l’œil est conduit vers le jeune garçon situé sur le « nombre d’or » de l’image. Ce personnage renforce l’aspect poétique et pictural, peut-être est-il là de manière anecdotique ou peut-être est-il le sujet principal de cette photographie.

Même dans des prises de vue plus « rapides » avec un matériel plus léger (plaques de verre 9X12) la composition est toujours aussi rigoureuse.

Tirage numérique sur le Port de Nice

On sait que Charles Nègre considérait le négatif comme une étape intermédiaire, il dit lui-même « Dès l’année 1854, convaincu que la photographie ne devait être considérée que comme le moyen transitoire pour arriver à la gravure héliographique, je m’attachai à résoudre ce problème ». Cela n’explique pas le mauvais état des négatifs sur verre, ils ont été plutôt victimes de leurs succès.

Près de 70 négatifs sur verre conservés aux archives sont des originaux de Charles Nègre dont certains tirages sont devenus, comme le dit Jean-Paul Potron, des « icônes » païennes de la Riviera.

Autoportrait vers 1865. Musée de Grasse.

Michel Graniou – mars 2018

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